Nouvelles de Flandre
Francophones de Flandre : la Francophonie muette ?

L'Organisation internationale de la Francophonie souffrirait-elle d'aphonie ? Les quelque 300 000 Francophones de Flandre, en tout cas, n'entendent pas le son de sa voix, alors que leur sort, et donc celui de la culture française en Flandre, va se jouer dans les mois qui viennent.

L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ne peut faire ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Cependant, elle collabore étroitement avec l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) qui a notamment pour but de "promouvoir la démocratie et l'Etat de droit, plus particulièrement au sein de la communauté francophone".

La Charte de la Francophonie déclare, elle, nettement que la Francophonie "respecte la souveraineté des Etats, leurs langues et leurs cultures. Elle observe la plus stricte neutralité dans les questions de politique intérieure". Les limites, on l'admettra, sont un peu floues.

Le Secrétaire général de l'OIF "conduit l'action politique de la Francophonie" et "se tient informé en permanence de l'état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone". Abdou Diouf, qui occupe ce poste-clé, est intervenu lors des troubles à Madagascar en estimant, dans un communiqué de Presse que "tous les Malgaches sont dans l'obligation impérative de respecter pleinement les droits et libertés fondamentaux et notamment la liberté d'expression dans un environnement apaisé, ainsi que la protection des personnes et des biens". Par ailleurs le Secrétaire général a aussi appuyé les initiatives de paix en Georgie et condamné le coup d'Etat en Guinée.

Les oubliés…

Et la Belgique ? Si petite qu'on ne la trouve pas sur la mappemonde ? Inutile de chercher : c'est un pays tout ce qu'il y a de plus libéral et démocratique. Et il ne s'y produit pas de violences. On n'y viole que des principes démocratiques, ce qui passe inaperçu. Et il s'y développe, selon certains observateurs, en Flandre, un "fascisme non violent" ; Pas de violences ? Alors : silence ? On peut, dans un pays démocratique, faire des entorses à la démocratie. La Flandre ne s'en est pas privée.

Une coalition de bourgmestres flamands ont jadis exigé que le recensement décennal de la population soit amputé de son volet linguistique. Ceci pour empêcher que l'on puisse compter avec exactitude le nombre de Francophones habitant la Flandre. Depuis près d'un demi siècle on en est réduit à des estimations toujours contestables. Nous estimons le nombre de Francophones installés en Flandre à 300 000, dont 150 000 dans les communes périphériques de Bruxelles et 150 000 dans le reste de la région flamande.

Nous avons été bien étonnés de voir que l'OIF évaluait le nombre de Francophones en Flandre à seulement 100 000. Heureusement, Clément Duhaime, administrateur de l'OIF, reconnaissant le peu de fiabilité des estimations actuelles, a déclaré récemment : "Une organisation comme la nôtre ne peut se passer d'un instrument de mesure le plus fiable possible. Cette nécessité relève à la fois de la politique et de la stratégie".

La présence de l'importante minorité francophone en Flandre a été, suite au rapport de Madame Nabholz-Heidegger, reconnue par le Conseil de l'Europe. Cette minorité, la Flandre refuse toujours de la reconnaître. La Flandre d'ailleurs n'a toujours pas ratifié la convention-cadre sur la protection des minorités.

La "Kultuur" francophone ?

Les Francophones de Flandre ne demandent vraiment pas grand-chose. Ils sont pratiquement tous bilingues. Forcément puisque tous les rapports avec l'administration publique ont nécessairement lieu en flamand. Sauf dans les communes de la périphérie de Bruxelles où l'on a prévu un régime "à facilités" continuellement contesté du côté flamand.

Les Francophones de Flandre ne demandent qu'une chose, qu'on leur permette d'organiser leur vie culturelle qui implique, pour certaines manifestations, une aide financière publique. Les autorités flamandes ont interdit à la Communauté française de Belgique de subventionner des activités francophones en Flandre. Et, en même temps, elles annonçaient qu'elles-mêmes n'aideraient pas les associations francophones. C'est l'étranglement entre deux portes. Et on donne le change en aidant des organismes flamands s'occupant de l'enseignement du français et qui, en marge, montent l'un ou l'autre spectacle en français.

Peut-être est-il bon de rappeler que la Flandre a signé des accords culturels avec une série de pays, dont la France, alors qu'elle refuse de faire de même avec la Communauté française de Belgique. Malgré le ferme souhait exprimé par le Conseil de l'Europe.

Encore la démocratie

Les manquements en matière d'esprit démocratique émeuvent les sphères les plus élevées du pouvoir en Europe et jusqu'à l'ONU. On découvre les pratiques en matière linguistique en Flandre.

Deux problèmes ont fait grand bruit. Ce qu'on a appelé le "wooncode" (code du logement). Les logements sociaux en Flandre seraient désormais réservés aux candidats prouvant leur connaissance du flamand ou apportant la preuve de leur volonté de l'apprendre. Sous certains aspects cette mesure pouvait apparaître comme justifiée : le candidat doit pouvoir lire le bail qu'il signe, comprendre les communications au sein de l'immeuble et suivre les discussions avec les autres colocataires. Mais, la voie d'un encouragement raisonnable est admissible, pas la contrainte administrative. Et, une fois de plus, c'est avant tout la francophonie qui est visée.

Autre "affaire" : le ministre de l'Intérieur du gouvernement flamand refuse de nommer trois candidats bourgmestres dans trois communes "à facilités" (sic) parce qu'ils ont envoyé des convocations électorales en français à des électeurs francophones et en néerlandais aux électeurs néerlandophones. Ils auraient dû envoyer tous les formulaires en flamand et attendre que les Francophones en demandent le texte français.

Par ailleurs, faute gravissime, les bourgmestres qui n'ont que le statut de « faisant fonction » auraient toléré que certains membres du Conseil communal fassent usage du français pendant les séances. Ces bourgmestres ont été élus à des majorités plus que confortables et ont la confiance et l'appui de leurs électeurs. Le refus de les nommer est une sanction démesurée par rapport aux vétilles qui leur sont reprochées. Autrement grave est la menace lancée par des bourgmestres flamands cette fois, qui ne subiront aucune sanction, alors qu'ils entendent boycotter les élections européennes.

Les instances européennes ont été saisies du cas des trois bourgmestres et des enquêteurs ont été envoyés sur place pour s'informer en détail des données du litige et faire rapport sur la démocratie locale en Belgique.

Ledit rapport rédigé par Michel Guegan (France) et Dobrica Milevanovic (Serbie) relève plusieurs manquements de la Belgique vis-à-vis de la Charte européenne de l'autonomie locale. Les rapporteurs soulignent que la Belgique a signé et ratifié ce texte et que, dès lors, il s'impose à elle.

Le Conseil de l'Europe, saisi d'une proposition de la Chambre des pouvoirs locaux, "invite sa Commission institutionnelle à entreprendre un monitoring général de la Belgique sur les questions de démocratie locale, en attachant une attention particulière à l'évolution des manquements à la Charte constatés par les rapporteurs au cours de leur mission d'enquête et de faire rapport à ce sujet".

Voilà la Belgique mise sous tutelle ! Elle, dont la Constitution de 1831 a servi d'exemple à plusieurs pays. Elle, qui est co-fondatrice de l'Europe. Et tout cela à cause de l'obsession "politico-psychiatrique" anti-francophone des politiciens flamands.

Le Conseil de l'Europe a également adopté une recommandation à l'adresse des autorités belges leur demandant d'inciter le ministre flamand Marino Keulen à nommer sans délai les trois bourgmestres de la périphérie bruxelloise.

Et maintenant ?

Le monde politique belge s'apprête à sceller le sort du pays après les élections régionales qui auront lieu en juin. La Flandre y sera demanderesse de plus de pouvoir sinon d'indépendance.

Que deviendront les Francophones de Flandre dans cette Belgique une fois de plus remodelée ?

Les pouvoirs européens veilleront au grain, on vient de le voir. Et la Francophonie, qui représente 200 millions de Francophones dans le monde, n'aurait rien à dire s'il était porté atteinte aux droits démocratiques des Francophones en Flandre ? Elle ne joindrait pas sa grosse voix à celles des instances européennes et… de la Presse mondiale ? Les atteintes aux libertés n'existent pas exclusivement dans les pays africains ou asiatiques, où elle n'hésite pas à intervenir !

 

Marcel BAUWENS

Président honoraire de l'Association générale des journalistes professionnels de Belgique (AGJPB)
Administrateur de l'APFF


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